L’Acadie Nouvelle
La directrice du Centre d’études du vieillissement de l’Université de Moncton, Suzanne Dupuis-Blanchard, en a des frissons: le gouvernement du Nouveau-Brunswick a créé avec succès un programme social selon les meilleures méthodes, Foyer de soins sans mur.
C’est l’exception qui confirme la règle. «Je n’aurais jamais pensé que c’était possible, lâche la professeure à l’École de science infirmière à l’U de M, Suzanne Dupuis-Blanchard. Pour moi, c’est la première fois que le gouvernement du Nouveau-Brunswick crée un programme de la bonne façon de A à Z.»
Le Défenseur des enfants, des jeunes et des aînés, Kelly Lamrock, l’a rappelé cette semaine: le gouvernement mesure insuffisamment les résultats de ses programmes et manque d’imputabilité quand ils échouent à répondre aux attentes.
Le fonctionnaire indépendant a soutenu que ce problème a rendu le système de soins de longue durée, entre autres, peu fiable.
«Exactement tout ce qui doit se faire s’est produit pour une fois, et ça s’est fait rapidement», s’enthousiasme Mme Dupuis-Blanchard.
Elle fait référence à Foyer de soins sans mur (FSSM), dont le but est de veiller à ce que les personnes âgées puissent vieillir chez elles avec le soutien nécessaire (un accès à des informations et à des services ainsi qu’une aide contre la solitude).
Le gouvernement provincial a annoncé qu’il mettrait ce programme en place pendant la présentation du budget en mars 2023, grâce à 2 millions $. Un an plus tard, la démarche fonctionne dans 18 foyers de soins, bientôt 20, sur 75.
Foyer de soins sans mur a commencé en tant que projet pilote qui s’est déroulé de 2019 à 2023 dans quatre établissements de soins de longue durée à Lamèque, Inkerman, Paquetville et à Port Elgin. Il a impliqué 375 participants.
Le projet a permis d’éviter à 28% d’entre eux de faire une visite à l’urgence pour de mauvaises raisons (comme une recherche d’informations). Il a obtenu un taux de satisfaction moyen de 98%. Il a aussi provoqué chez les aînés une diminution du sentiment de solitude, une augmentation des connaissances sur la vieillesse et les services d’aide ainsi qu’une hausse du sentiment de sécurité, selon Mme Dupuis-Blanchard.
«On pense que si nous n’étions pas intervenus, les gens seraient devenus plus vulnérables et se seraient retrouvés à l’urgence en quelques mois, soutient-elle. Leur état de santé peut se détériorer en cas de changements, comme le décès d’un conjoint, une évolution de maladie chronique, des rénovations à faire au logement, etc.»
SERVICES D’AIDE
La chercheuse pense que Foyer de soins sans mur doit son succès à son adaptabilité aux besoins des participants et à son utilisation des ressources présentes dans les communautés (associations, experts, Ambulance NB, Vitalité et Horizon).
Elle ajoute que les foyers de soins volontaires ont réussi à trouver la main-d’oeuvre nécessaire vite parce qu’ils cherchaient d’autres professionnels que des préposés aux soins et des infirmières.
«Pour vieillir à domicile, les gens n’ont jamais identifié comme défi l’accès aux services médicaux, souligne Mme Dupuis-Blanchard. Ils pointaient plutôt les services de soutien (soins des pieds, prêts de tablettes numériques, déneigement, etc.) et social (activités, repas au foyer, visites amicales).»
Elle précise que les participants à FSSM ont indiqué avoir besoin d’aide pour prendre des bains à Lamèque. Dans ce cas, des préposés aux soins à temps partiel ont accepté de travailler davantage au foyer local pour fournir ce service, selon elle.
FÉLICITATIONS SPONTANÉES
«FSSM est un outil que les proches aidantes vont pouvoir utiliser», s’est réjouie une professeure à l’École de travail social de l’U de M, Elda Savoie, pendant un symposium sur le vieillissement, mercredi.
«On reçoit des commentaires spontanés de proches aidants qui nous disent: “depuis que maman fait partie de FSSM, qu’elle va au foyer et qu’elle sort aux activités, elle n’est plus pareille, elle sourit de nouveau.” J’en ai des frissons rien que d’en parler», a répondu Mme Dupuis-Blanchard.
Elle a raconté que FSSM a été le projet de recherche qui a eu le plus de conséquences sur le terrain de sa carrière.
«Voir qu’on a vraiment réussi à aider les gens à rester à domicile… c’est quelque chose», a exprimé la chercheuse, qui a été intronisée comme Fellow de l’Académie canadienne des sciences infirmières, pour son grand rôle dans l’élaboration d’une stratégie provinciale sur le vieillissement entre autres.
INTÉRÊT NATIONAL
Mme Dupuis-Blanchard note que les foyers du Nord-Ouest de la province tardent à participer à FSSM. Elle fait remarquer que la participation de ces organismes est facultative. Leurs gérants ont reçu des informations au sujet du programme, notamment par le biais de l’Association des foyers de soins du N.-B., selon elle.
«Les foyers de soins peuvent nous faire une demande. On travaille ensuite avec eux pour identifier les priorités dans leur communauté et voir comment ils peuvent s’y attaquer», dit la chercheuse.
En attendant, c’est beaucoup plus à l’ouest que Mme Dupuis-Blanchard se prépare à parler de FSSM: à Vancouver. L’intérêt pour sa démarche commence à être national, selon elle.